Enquête par corps I : Explorations – août 2017, mars 2018, août 2020

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Dans une approche holistique, nous déployons ici un mode d’enquête par corps potentiellement transformateur. Le premier texte, “Potentiels écocorporels”, développe l’aspect transformateur. Le texte “Par corps” explicite de manière théorique, méthodique et descriptive le processus des explorations par corps. “Imprégnation” évoque poétiquement des expériences menées selon des modalités proches.

Auteur : Edouard Termignon, Claire Revol et tous les participants au projet d'Explorations par corps. Photographie de Caroline Evrard

Explorations par corps menées pour l’enquête de géographie à la Ferme de la Mhotte en août 2017 et mars 2018 :

La réflexion décrite dans la première partie a été complétée et précisée à la suite de ces explorations.

La méthodologie au cours de ces premières approches n’a pas été aussi rigoureuse qu’énoncée ci-avant. Il s’agira pour les prochaines d’y parvenir, voire de l’améliorer.

a) Déroulé de l’exploration par corps du mardi 22 août 2017, croisement des chemins creux château de la Mhotte / Gallonières / La Caille (coordonnées GPS : 46,5724599 – 3,1172710) + début du chemin vers la Caille (à côté d’une souche, coordonnées GPS : 46,5724184 – 3,1174025)

Exploration animée par Edouard Termignon, enrichie par les propositions de chacun des membres du groupe : processus d’une exploration en co-construction.

Membres du groupe d’enquêteur-e-s :

Claire P.,

Claire Revol,

Édouard Termignon,

Elsa.

Nous commençons à côté du gîte de la Ferme de la Mhotte : connection au sensible, au groupe que nous formons.

Claire R. nomme au départ : « nous avons beaucoup reçu du lieu, j’ai envie de donner ».

Édouard : cette intention me touche, m’appelle, elle m’habite par la suite.

Mon intention également : nous relier aux profondeurs, celles du lieu (racines, profondeurs de la terre) et les nôtres (ce qui est profondément en nous).

Au départ : pratique respiratoire inspire « mince filet d’air », expire « soupir ». Avec cette respiration et l’attention à nos pas sur le sol (« empreinte pieds »), nous faisons une marche silencieuse vers le lieu de l’exploration. Édouard : j’ai écrit à la suite sur mon carnet « merci » => relié à l’intention de Claire ?

Nous allons avec ce type de marche jusqu’aux chemins creux après le Château de la Mhotte vers la Caille et les Gallonières. Nous hésitons entre le croisement des chemins creux Château de la Mhotte – Caille – Gallonières et l’endroit tout en bas du passage du Chamaron (à sec, à ce moment là) pour aller vers les Gallonières.

Le premier nous appelle davantage.

Coordonnées GPS : 46,5724599 – 3,1172710.

Les affaires posées, Édouard formule l’intention préalable (exprimée par la suite à d’autres reprises) : « ce qui prime est ce que chacun-e ressent dans son corps comme impulsion ; ce qui est proposé sert seulement de balise pour explorer. »

En relation avec l’exploration et ses propres besoin-envies,ÉEdouard invite chacun-e à prendre un temps silencieux pour écrire (notamment les réflexions venues jusque-là), dessiner, prendre des photos, enregistrer des sons, enregistrer des images avec la caméra… selon l’inspiration : cf. Claire P. pour l’envie de rajouter un outil et Elsa quant à la restitution au groupe.

Pour ce faire, chacun-e s’est trouvé-e un endroit pour étaler sa couverture et être confortablement installé-e au sol.

Ensuite, Edouard guide une pratique au sol pendant environ 30 minutes, chacun-e allongé-é :

– attention plante des pieds.

– respiration : inspire par les narines d’un « mince filet d’air », expire « comme un soupir ». Puis, dans la continuité, respiration « vague » : inspire – vague qui monte, temps de suspension poumons pleins – sommet de la vague, expire, vague qui s’étale au bord de la plage, temps de suspension poumons vides – creux de la vague, puis tout recommence.

Les yeux sont fermés ou ouverts selon chacun-e ; puis, nous avons tou-te-s les yeux fermés.

Dans la continuité, se focaliser sur l’expire : « se déposer un peu plus, s’enfoncer un peu plus dans le sol ». À chaque expire, « un peu plus ».

D’autres images sont amenées : à chaque expire, « racines – arbres autour de nous », « la vie dans la terre au-dessous de nous (rhizomes, bactéries…) », « le sol nous accueille un peu plus », « les omoplates s’étalent un peu plus dans le sol », « globes occulaires flottent », « langue, mâchoire »…

« Le vivant relié sous le sol. »

À la fin de cette pratique, Edouard propose à nouveau : en relation avec l’enquête et ses propres besoin-envies, que chacun-e prenne un temps silencieux pour écrire, dessiner, prendre des photos, enregistrer des sons, enregistrer des images avec la caméra… selon l’inspiration.

À la suite, un temps de parole est ouvert (cf. fichier son « debrief1-atelier-corps ») :

Claire R. : D’autres modes d’attention « l’évidence connexion avec le vivant » ;

Claire P. : « Les mouches, la mort, la naissance » ;

Elsa : «Pas eu que des choses gaies ici, histoire du lieu ? des deuils ? »

Claire R. : « Argile, lourd, tire vers le bas, vers la terre, selon Pierre Meynaud, éleveur aux Béguets » ;

Claire P. : « Dimension de lumière » ;

Édouard : « Joie », impulsion « se rapprocher-câlin » concernant le groupe ; « tristesse, douleur, souffrance » concernant le lieu ; question posée à Édouard sur la souffrance « reliée à cet endroit précis, ou plus globalement ? »

Édouard : « Globalement sur les lieux, école, le château, ferme de la Mhotte »

Claire R. : « Ici, de la place pour qu’elle sorte »                                                               

puis Édouard : « La beauté en vous voyant après cette pratique » ; Elsa partage ce ressenti.

Proposition de Claire R. : que chacun-e fasse des traversées à ce croisement, en venant des différents chemins, caméra statique en captation (en relation avec le travail réalisé avec Édouard la veille)

+ intention de rendre au lieu (don).

Elsa : avec l’idée de rééquilibrer un tout petit peu (avec le lourd ressenti).

Édouard : laisser faire, possibilité d’aller explorer aux alentours et de revenir traverser, caméra là.

Puis, un temps est à nouveau laissé à chacun-e en relation avec ce qui va être expérimenté et ses propres besoins-envies. La caméra est placée à un endroit du croisement pour la captation des traversées.

En fait, elles n’auront pas lieu selon la proposition. Chacun-e va laisser venir et explorer. La focalisation de l’attention va se porter sur le début du chemin creux vers la Caille, là où une grosse souche est posée sur le bord droit (coordonnées GPS : 46,5724184 – 3,1174025).

Claire P. était allé explorer l’autre chemin. Elsa et Edouard lors de moments différents explorent le chemin creux avec la souche. Puis, nous parlons un peu avec Claire R. de ce que nous avons vécu. Elle va alors dans le « chemin creux souche » et revient.

Nous y retournons tous les trois pour préciser notre sensation. La focalisation se porte clairement à l’endroit de la souche.

Claire P. revient de son exploration et nous trouve là.

Puis nous remontons tou-te-s les quatre.

À la suite un temps de paroles est ouvert (cf. fichier son « debrief-atelier-corps ») :

Elsa : « En passant par ce chemin creux, au niveau de la souche, je commence à avoir un début de migraine, je ressens quelque chose de pas très gai, j’ai l’envie de caresser la terre, je me suis mise à faire du bruit à un endroit et beaucoup plus rythmé à un autre endroit, j’ai tapé dans mes mains, et j’ai pensé à l’endroit où c’était mouillé (cf. plus loin). Je me suis dit qu’il faudrait revenir et faire du feu. »

Édouard : « Déjà pendant la pratique, au croisement des chemins, j’avais renversé mon verre d’eau plusieurs fois en voulant boire ; en passant à côté de la souche dans le chemin creux, j’ai la sensation qu’il y a quelque chose là. Il me vient l’impulsion d’uriner (donner mon eau) au milieu du chemin, à côté de la souche ».

Claire R. : « En allant à côté, j’ai ressenti comme si j’avais les poumons qui brûlaient, l’impression de passer dans un scanner, un micro-ondes ».

Elsa : « Et moi toujours attiré par les problèmes ».

Claire P : « Cette souche est flippante, on dirait qu’elle garde un truc ». Elle a senti que nous étions dans une drôle d’énergie. Qu’en revenant vers le croisement, elle a eu l’impression de nous tirer.

Claire R : « C’est toi qui nous a ramené ».

Beaucoup d’éclats de rires pendant le temps de paroles à trois, ensuite, près de la souche, quand Claire P était avec nous, puis au croisement, à la fin.

b) Déroulé des suites de l’exploration au même endroit, après-midi du 17 et 18 mars 2018 :

Le samedi, lors d’un cheminement vers le Foyer Michaël, un groupe partiellement nouveau retourne sur les lieux (croisement des chemins creux château de la Mhotte – Gallonières – La Caille + début du « chemin creux souche » vers la Caille) :

Membres du groupe d’enquêteur-e-s :

Antoine

Léonora

Édouard

Pas vraiment de pratique préalable collective. Par contre, de la marche pour y arriver, de l’attention à ce qui nous entoure et nous agit. L’intention de ressentir ce qui émane du lieu. Pour ma part, je me mets à mesure dans les conditions d’une exploration par corps.

Au début du chemin creux vers la Caille, la grosse souche n’est plus juste à côté du bord droit. Léonora ressent « comme un poids sur la poitrine qui tire vers le bas ». Édouard ressent une sorte de tension, sans commune mesure avec ce qu’il avait perçu cet été. Au croisement (où nous étions allongés cet été), Léonora ressent de façon plus vague « comme une présence qui veut qu’on lui donne la main ».

Le dimanche 18 mars, un nouveau groupe se constitue, au souhait d’Émilie, anthropoloque, et d’Édouard, dans l’intention de nous y arrêter pour ressentir ce qui émane du lieu :

Membres du groupe d’enquêteur-e-s :

Émilie

Claire R.

Édouard

François

Voici nos impressions, au début du chemin creux vers la Caille :

Émilie : « Je ne suis pas bien là-bas (oppression de la cage thoracique et du cœur), ce n’est pas bienveillant. C’est un endroit qui est occupé, on n’a pas à y aller, l’impression de déranger, quelque chose d’intime comme chez quelqu’un. »

Claire ressent la différence entre l’endroit du croisement (où nous étions allongés cet été) comme « point à l’abri », et le début du chemin creux vers la Caille ;

François ne s’est pas arrêté à l’endroit du chemin creux, il avait envie de continuer, nous étions déjà trois. Il est allé voir un arbre dans le champ d’à côté (coordonnées GPS : 46.571173, 3.117873), un arbre sans doute frappé par la foudre. A son retour, alors que nous sommes tous les 3 dans le chemin creux, François nous invite à aller voir cet arbre. Claire fait remarquer : « cela me fait penser à cet été ; nous étions aussi 4 en tout, et Claire Philippe était venue nous retrouver et nous inviter à bouger, comme là François. »

Édouard : « À mon avis, ce qui s’est passé à 4 lors de la matinée du 22 août cet été, a permis qu’aujourd’hui le lieu soit moins chargé. »

Émilie : « D’accord, c’est ça, j’arrive après, le lieu est en travail. »

c) Déroulé de l’exploration par corps ponctuelle, pierre sculptée jardin d’enfants – Ecole de la Mhotte (coordonnées GPS : 46,5733157 – 3,1131019), après-midi du 18 mars 2018 :

A la suite, à trois (Émilie Ramillien, Claire Revol, Édouard Termignon), nous remontons vers l’École de la Mhotte.

Émilie : « je me suis sentie plutôt portée par les lieux (l’ensemble École, Ferme, les Béguets) dès mon arrivée ».

Dans l’école, nous allons voir la pierre sculptée par Jean Baccourt et posée selon les indications de Bryan Coppack, près du jardin d’enfant (coordonnées GPS : 46,5733157 – 3,1131019). Édouard touche, puis s’allonge sur la sculpture, comme dans un élan de tendresse. Émilie et Édouard sentent beaucoup de rayonnement venant de cette sculpture : de l’amour, de la joie (Édouard), de la paix (Émilie).