Potentiels écocorporels
Dans une approche holistique, nous avons développé au domaine de la Mhotte un mode d’enquête de géographie par corps potentiellement transformateur.
Ce mode d’enquête comprend des explorations par corps combinant démarche artistique, scientifique et politique :
— artistique : notamment par l’aspect performatif en reliance ;
— scientifique : par la méthodologie, les protocoles heuristiques, la recherche de corroboration, les analyses rationnelles et boucles de rétroaction ;
— politique : par le changement potentiel du rapport à autrui – au vivant plus globalement – et de l’espace commun, l’environnement. Par leurs effets sur notre sensibilité, ces explorations font notamment baisser nos seuils de tolérance aux dégradations en cours et aux héritages du passé inconciliables avec une évolution désirable de notre humanité.
Voici le protocole élaboré à ce jour d’une exploration par corps :
— pour chacune, nous faisons d’abord l’expérience de plusieurs pratiques corporelles, attentionnelles et intentionnelles afin de se rendre disponible à notre intériorité, au tellurisme et à l’atmosphérique du lieu, à la reliance et au don de soi ;
— à la suite, nous nous rendons sur le lieu de l’exploration. Nous portons notre attention à ce qui nous agit intérieurement en résonance avec ce qui circule in situ. Nous nous laissons agir par ces flux. Selon la définition de D. Zerbib, cette phase représente une performance expérimentale ;
— plus tard, toujours sans communiquer avec les autres, chacun·e fait le bilan de ce qui est advenu et en donne trace au moyen des médiums désirés ;
— enfin, nous nous transmettons par la parole nos perceptions et réalisations.
Il s’agit de remarquer s’il y a lieu les proximités, les convergences…
Ensuite, nous analysons la (ou les) exploration(s) réalisée(s). Une modification du protocole d’exploration peut advenir. Nous portons également notre attention à la cartographie des zones d’explorations, aux relations potentielles. Un nouveau site (plus précis, à côté, etc.) ou un réseau de sites d’exploration peuvent émerger.
Pour les besoins de l’enquête, nous tissons et activons des relations. Nos constatations et analyses nous amènent à partager l’expérience de personnes habitant les lieux ou autour, ou bien de spécialistes (géologue, géobiologue, archiviste, etc.), et bien sûr des autres membres du groupe d’enquêt·eur·trices.
Explicitons les propos ci-dessus par ce dont nous avons fait l’expérience en août 2018 : nous sommes allés à l’école de la Mhotte procéder à des explorations par corps auprès des trois pierres sculptées élaborées et installées selon les préconistaions de Bryan Coppack, géologue et géobiologue. Après nos expériences, observations et analyses, nous avons rencontré Bryan Coppack in situ en invitant tous les autres membres du Laboratoire Ecologie Pirate. Il nous a alors décrit les modalités qui avaient amené la réalisation et l’installation de ces pierres. Il nous a également transmis une part de son savoir et de sa pratique quant à la géobiologie.
Ce partage nous a permis de nourrir nos expériences individuelles et notre protocole d’explorations. En effet, nous avons testé et retesté la pratique préalable qu’il nous avait transmise et nous l’avons intégré dans le processus des explorations par corps.
De plus, les éléments amenés par Bryan Coppack ont permis de corroborer plusieurs de nos constatations. Par ailleurs, il nous a amené à rencontrer d’autres personnes pour poursuivre l’enquête, notamment Jean Bacourt, qui a sculpté les trois pierres.
Enfin, ce partage avec Bryan Coppack, ainsi que les explorations par corps préalables, nous ont permis d’œuvrer à l’évolution du lieu : notamment par la mise en corps et en mots des fragilités locales et les flux générés.
Des potentiels de transformation entrent ainsi en jeu au cours de ce mode d’enquête innervé par les explorations par corps : des transformations individuelles, groupales, des transformations locales, plus globales.
Ce chemin parmi d’autres nous permet de participer collectivement à des changements désirables.