Enquête par corps 2 : Imprégnation

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Imprégnation” évoque poétiquement des explorations par corps menées selon différentes modalités.

Auteur : Edouard Termignon (texte et peinture)

Ouverture.

Je laisse venir.

Mon enveloppe m’inscrit moins étroitement.

Accueil.

Je laisse agir.

Éponge gorgée de liquide amniotique,

ma chair poreuse s’emplit peu à peu de l’atmosphère du lieu.

.

           ***

Comme malgré moi,

s’invite une humeur ou une sensation,

faisceau venant des profondeurs.

Place-temps m’est donné,

clarté s’infiltre en mon esprit.

Surgit une sensation-image.

Elle m’emplit,

entier.

Un peu de rêverie,

du sommeil,

des heures-nuit s’écoulent.

Sédimentation.

L’émergence peut s’opérer après coup,

tardive.

                 ***

Une impulsion jaillit,

s’impose à moi comme une évidence.

                 ***

Ma bouche se remplit de salive.

Processus en démarrage.

Je frissonne.

L’air autour vibrionne.

J’avale.

Mon corps frétille,

mes mains s’électrisent.

Je tourne la tête.

« Oui, c’est ça ».

Une sensation dans mon omoplate droite me fascine.

De là, source un mouvement arrondi de déploiement.

Mon corps au service,

je le laisse advenir.

L’acte s’effectue,

je suis emporté dans l’élan.

L’oiseau, l’ange?,

enfle mon corps,

déploie ses ailes

et s’élève.

Un flux s’écoule en mes cellules.

Vivant chair.

Émotion.

               ***

Une pose incandescente s’est lovée à cet endroit :

l’activation répétée du vivant en ce lieu,

le rayonnement des présences ancrées,

au delà de leur temps d’animation?

Réunis, nous entrons en résonance avec ces échos.

Nous sommes là pour ça.

Avec nos intentions,

plus ou moins conscientes.

Différemment,

toutes se mettent en branle à mesure que le temps s’étire.

Incarnations orientées.

Formulées et partagées, quelle puissance collective!

S’empare la vie.

Un vortex se créé.

Nous sommes appelés.

S’insufflent en nos chairs les puissances de maintenant.

D’autrefois?

Nos corps diffractent-ils les actes inscrits?

              ***

Tout à coup, l’espace s’est densifié.

Frontières dissoutes,

la pièce s’ouvre complètement.

Un tourbillonnement enfle.

Des masses d’air visibles, palpables,

entrent en puissant mouvement.

Un ailleurs familier,

propice.

Évolution.

                 ***

Parfois,

je suis surpris par un élan.

En même temps que je suis agi,

a posteriori,

je m’étrange à moi-même.

Une part d’un-e autre, de l’autre,

s’est annoncée en ma chair.

J’ai été emparé un moment.

               ***

                                                                        buis_imprégnation_1, 30 juin 2018

              ***

Je vais dans sa chambre.

Son affiche de tyrannosaurus rex, ses lego starwars,

ses chaussettes éparses, ses bibelots.

Nos moments de rencontre.

Je m’habite de sa présence résiduelle.

Des nappes de borborygmes me viennent.

Déjà là,

des palpitations.

Ma voix s’échauffe.

Voient le jour des inspires – expires rapides, vocalisées.

En ma chair,

lui bébé émerge :

gestation, naissance, première année.

Mon corps se voit travaillé en ces temps.

Les sons de voix se poursuivent.

Nous voici en relation stratosphérique.

Des pleurs-souffrance m’habitent :

crier sa détresse.

S’en décharger.

Des filaments – matières blanchâtres, légèrement lumineuses –

encombrent mon œsophage.

Je me perçois les vomir,

les expulser par ma bouche.

Répandre ces glaires pesantes.

Une incantation,

des pas scandés, militaires,

accompagnent ce geste.

Écraser ces souffrances.

Je suis emporté.

En ma conscience pointe le doute :

que faire, sinon?

Cette douleur!

Et puis.

De l’autre enfle.

Une fleur croît et s’épanouit.

Bouche-mâchoire, haut du dos,

un foyer s’embrase.

Dragon!

                 ***

                                                                                 É._imprégnation, 18 juin 2018

                 ***

Sens des sens.

Dans le jardin,

nos cellules s’accordent.

Elan vers un corps monde.

Le moment paraît stimulé par l’intensité spatiale.

Soudain, une urgence me transperce.

Là!

Pourtant, tout semble si calme :

une douce brise,

temps estival,

arbres, insectes,

herbes, oiseaux.

Je sens mon corps m’entourer par l’alentour.

L’auréole?

Une dépression en l’espace interne s’annonce.

S’engouffre la sensation environnante

en mon profond.

                ***

Dans leur inspiration de vibrations atmosphériques,

tintent nos fibres.