Sécheresse, une nouvelle condition climatique à La Mhotte

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À la Ferme de la Mhotte, comme dans les fermes alentour, la sécheresse se fait sentir profondément, lors de cet été 2018. L’herbe est désséchée, transformée en pallaisson. Les réserves d’eau sont vides – puits, mares, et même forages. Cette situation n’est pas sans menacer l’activité maraîchère du lieu, d’autant plus, qu’au fur et à mesure des mois, elle va continuer. En mars 2019, la sécheresse est toujours là : elle ne s’est pas arrêtée depuis l’été dernier…

Auteur : Bureau d'études, groupe d'artistes, habitants à la ferme de la Mhotte

La sécheresse est le signe de notre nouvelle condition climatique. Ce n’est plus un événement exceptionnel, cela devient un nouveau régime.

Du point de vue des risques naturels tels qu’ils sont recensés par la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes, les communes autour de Bourbon l’Archambault ne sont pas menacées par la possibilité d’inondations. Il n’y a pas non plus de risque de mouvement de terrain, d’avalanche et le risque de séisme est faible [site http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr consulté le 21 avril 2019]. Ces communes ne sont pas non plus affectées par des risques technologiques ou miniers.

La zone autour de Bourbon l’Archambault, de même que les autres localités de France en 2018, sont cependant affecté par une nouvelle réalité, qui n’est plus une calamité, mais une condition nouvelle :  la sécheresse. À partir de 2050, un été sur trois sera caniculaire (GIEC, 2007). En Auvergne, l’été 2018 restera comme le 2e le plus chaud après 2003 classé comme l’été le plus chaud en France depuis 1900. Mais selon des données désormais confirmées par le service Européen Copernicus « Changement Climatique », 2018 n’est pas seulement  l’année la plus chaude en France métropolitaine depuis le début du 20e siècle, elle est aussi la quatrième année la plus chaude jamais enregistrée à l’échelle mondiale derrière 2016 (année la + chaude avec 14.8°C) , 2017 (2e rang) et 2015 (3e rang). En définitive, 2015-2016 et 2017-2018 sont les quatre années les plus chaudes jamais observées dans le monde depuis la période pré-industrielle.

La canicule de l’été 2018 a provoqué environ 1.500 morts de plus qu’un été normal, soit 10 fois moins que lors du record de 2003 qui avait fait  qui avait fait entre 15.000 et 20.000 morts, a annoncé la ministre de la Santé Agnès Buzyn sur Cnews (21/09/2018).

Dans l’Allier, la sécheresse prive les éleveurs d’eau et de fourrage. Sur la période septembre 2018 à mars 2019, la pluviométrie cumulée sur le bassin de la Loire accuse un déficit de l’ordre de 30 %. Elle se classe au 1er rang des valeurs les plus faibles sur cette période depuis 1958/1959 pour la partie Loire amont [Rapport Dreal, 12 avril 2019]. La situation des ressources en eaux souterraines sont faibles à très faibles sur la zone amont du bassin Loire-Bretagne à la fin mars 2019 (les relevés existants portent ici sur les 12 dernières années écoulées).

D’après la région AURA, entre 12 000 et 16 000 exploitations d’élevage d’herbivores seraient concernées par cet épisode de sécheresse du fait du manque de paille et du manque d’eau. Et les pertes fourragères iraient de 30 à 50 % des récoltes annuelles, notamment dans le Cantal, l’Allier, l’Ain, l’Isère et une partie du Puy-de- Dôme, de la Loire et du Rhône. Cette situation provoque une hausse des prix de la paille et du foin.

Selon l’Institut de l’élevage, le coût de production de la paille est environ 25,40 €/tonne auquel s’ajoute le transport pour un montant d’environ 35 €/tonne pour un total d’environ 60€. Avec la sécheresse prolongée,  les prix de la paille en 2018 sont entre 110 et 150 €/tonne.

La paille est utilisée à d’autres fins que l’élevage, notamment comme combustible dans la méthanisation. Le Modef est scandalisé que le Ministre de la Transition Écologique autorise depuis le mois de mars 2018 (réunion de groupe de travail méthanisation) que les résidus de paille ou de maïs servent à alimenter les méthaniseurs…

Cette situation nouvelle a amené différentes discussions sur la Ferme de la Mhotte. Est-ce que la pratique du maraîchage va devoir changer techniquement ? Faut-il prévoir des ressources en eau dimensionnées aux besoins de la ferme ? Une commission est mise en place qui étudie la réalisation d’un bassin de collectes d’eau de pluie pour un volume de 1500 m3. Un plan de collecte et d’acheminement des eaux est mis en discussion. Un budget est esquissé, intégrant les besoins agricole, mais aussi, potentiellement, les usages d’entretien extérieur voire de lavage. Une incertitude demeure cependant. Est-ce que les pluies vont revenir ? Le changement du Gulf stream ne va-t’il pas affecter la quantité des eaux, créer un régime pauvre en eau, qui pourrait faire disparaître les chênes pédonculés, les frènes, et obliger à modifier en profondeur les pratiques culturales ?

 

Sources :

  • GIEC (2007), Bilan 2007 des changements climatiques, contribution des groupes de travail I, II et III au quatrième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat; équipe de rédaction principale, Pachauri R. K. et Reisinger A. (dir.), GIEC, Genève, Suisse,…, 103 p.
  • Copernicus Climate Change Service / ECMWF
  • Bulletin de situation hydrologique fin mars 2019, DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) Centre-Val de Loire – Bassin Loire-Bretagne. 12 avril 2019